
Plusieurs centaines de femmes burundaises parties travailler en Arabie Saoudite se retrouvent piégées dans un cycle d’exploitation et d’abandon, malgré un accord signé entre Bujumbura et Riyad. Les autorités burundaises et les agences de placement sont mises en cause pour leur rôle dans cette situation préoccupante.
Des centaines de femmes burundaises recrutées pour occuper des emplois domestiques au Moyen-Orient, principalement en Arabie Saoudite et au Koweït, vivent un enfer loin de leur pays. Derrière la promesse d’un avenir meilleur se cache une réalité marquée par des violences, des abus et l’indifférence des autorités censées les protéger.
Une enquête conjointe menée par les plateformes Ukweli Coalition Media Hub, Afrique XXI et Africa Uncensored révèle des dysfonctionnements graves dans le processus de recrutement et de suivi de ces travailleuses migrantes. Elle met en lumière la responsabilité partagée des agences de placement burundaises et du gouvernement, soupçonnés de fermer les yeux sur des pratiques assimilables à de la traite humaine.
Un accord bafoué
Le 3 octobre 2021, le Burundi et l’Arabie Saoudite ont signé un accord visant à encadrer le recrutement, le déploiement et le rapatriement des travailleuses domestiques. Le texte stipule clairement que l’État burundais est tenu d’assurer leur protection, conformément aux lois en vigueur. Or, les témoignages recueillis contredisent ces engagements.
Selon un rapport du gouvernement américain publié en 2023, les autorités burundaises ont failli à leur devoir de contrôle. Le document soulignait leur incapacité à garantir que les agences de recrutement agissaient dans le respect des droits fondamentaux. En pratique, ces agences continuent d’envoyer des femmes dans des conditions qualifiées d’« abusives », sans encadrement ni recours efficace.
Témoignages glaçants
Les récits recueillis dressent un tableau alarmant. Une femme dans la quarantaine, rapatriée en novembre 2024 après avoir été battue par son employeur saoudien, souffre aujourd’hui de graves lésions à la colonne vertébrale. Elle ne bénéficie d’aucune aide étatique, et sa famille doit assurer seule les frais médicaux.
Une autre, âgée de 29 ans, a vu son passeport confisqué à son arrivée en Arabie Saoudite. Tombée malade deux mois plus tard, elle a été abandonnée par son employeur et a survécu durant sept mois dans une maison d’accueil, sans soins appropriés. Son retour au Burundi n’a été possible qu’après une campagne médiatique intense. De retour au pays, ni l’agence de placement ni les autorités ne lui ont apporté le moindre soutien.
D’après les données récoltées, certaines femmes sont même emprisonnées en attendant que leurs familles puissent payer leur billet de retour. Dépourvues d’information sur leurs droits et leurs contrats, la plupart n’osent pas porter plainte.
Un silence officiel préoccupant
Les autorités burundaises reconnaissent que plus de 600 femmes ont été victimes de traite dans les pays du Golfe. Elles assurent leur avoir offert un appui consulaire, juridique et un accompagnement au retour. Pourtant, les faits décrits par les ONG et les médias d’investigation dessinent un tout autre scénario : celui d’un abandon quasi total et d’une exploitation organisée, dans laquelle les acteurs burundais eux-mêmes auraient perçu des sommes importantes au détriment des victimes.
Le rêve transformé en cauchemar
Pour ces femmes, partir travailler à l’étranger représentait une chance d’échapper à la précarité. Mais l’absence de suivi, les conditions de travail dégradantes, et le manque de protection légale transforment ce rêve en cauchemar. Sans soutien, elles rentrent brisées, parfois handicapées, et toujours marquées par une expérience traumatisante.
Alors que les voix s’élèvent pour réclamer justice, les responsabilités restent diluées dans un système opaque. Un système qui continue de sacrifier la dignité et la sécurité de centaines de femmes sur l’autel des intérêts économiques.