Sur la colline de Munzenze, aujourd’hui rattachée à la province de Buhumuza, des enfants, livrés à eux-mêmes derrière les murs du centre, affrontent chaque jour des conditions de vie que tous jugent indignes.

Initialement destiné à accueillir uniquement des mineurs en situation de rue, cet établissement héberge aujourd’hui 184 personnes, dont 129 adultes.

Un chiffre qui suscite l’indignation de plusieurs organisations de défense des droits de l’enfant.

Parmi ces pensionnaires, 55 sont des enfants — 14 filles et 41 garçons — qui partagent désormais leur quotidien avec des hommes et des femmes adultes, une cohabitation jugée dangereuse pour leur épanouissement.

Des vêtements usés jusqu’à la corde, des repas rares et insuffisants, une promiscuité inquiétante : le tableau dressé par la Fédération nationale des Associations engagées dans le domaine de l’Enfance au Burundi est alarmant.

Selon Iwacu – Burundi, Ferdinand Simbananiye, responsable du plaidoyer de la fédération, rappelle que le Burundi dispose pourtant d’une stratégie nationale pour la prise en charge des enfants vivant dans la rue.

Cette stratégie, appuyée par l’Unicef et adoptée par le gouvernement, fixe des standards précis : des dortoirs décents, des réfectoires, des salles de classe, des terrains de jeux, des infirmeries et un encadrement qualifié.

Rien de tout cela ne semble respecté à Munzenze, implanté de surcroît au cœur d’un environnement urbain bruyant, à l’opposé des recommandations qui préconisent des lieux calmes et éloignés des zones à forte agitation.

Face à ces manquements, la Fenadeb réclame une évaluation approfondie de la gestion du centre.

L’objectif serait d’identifier les failles et de redonner à ces enfants un cadre de vie digne, conforme aux engagements pris par l’État burundais.

Pour Simbananiye, la réponse passe par une action collective mêlant institutions publiques, associations et communautés locales, comme le prévoit le chapitre VII de la stratégie nationale.

À ses côtés, l’Association de lutte contre le chômage et la torture partage la même inquiétude.

Son représentant légal, Vianney Ndayisaba, fustige une logique d’enfermement qui ne résout rien et, pire encore, compromet le devenir de ces enfants.

Selon lui, il ne sert à rien d’enfermer des mineurs déjà vulnérables si l’on ne leur offre pas la possibilité de retourner à l’école ou de retrouver leurs familles.

Pour l’association, le plus urgent est de désengorger Munzenze de sa population adulte et de rétablir sa vocation initiale : servir de tremplin vers la réinsertion, pas de prison déguisée.

« Prendre un enfant qui vivait déjà dans une grande précarité pour l’emmener dans un endroit encore plus précaire, c’est détruire son avenir », déplore Ndayisaba, qui plaide pour une approche centrée sur le soutien économique et social des familles.

Le psychologue Aimable Barandagiye, spécialiste des enfants en situation de mobilité, met lui aussi en garde contre une réponse uniforme et rigide.

Selon lui, le phénomène des enfants en situation de rue est complexe et trouve ses racines dans la pauvreté, les conflits familiaux et la faiblesse du tissu communautaire.

Pour être efficace, toute solution doit tenir compte des spécificités de chaque enfant : certains ont encore des parents, d’autres vivent sans aucune attache familiale.

À ceux qui en ont encore, il faudrait offrir un appui financier suffisant pour permettre un retour à l’école et une vie décente au foyer.

Pour ceux qui n’ont plus de repères familiaux, l’accueil dans des familles volontaires, soutenues par l’État, ou l’orientation vers des centres de formation professionnelle pourrait ouvrir une perspective d’avenir.

Barandagiye rappelle que la stratégie nationale adoptée en 2022 avec le concours de l’Unicef offre déjà un cadre solide.

En février dernier, une table ronde de mobilisation des ressources a réuni plusieurs partenaires techniques et financiers, preuve qu’une volonté politique existe bel et bien.

Reste désormais à traduire ces engagements en actes concrets, en travaillant main dans la main avec les autorités locales et les communautés des provinces les plus touchées.

L’avenir de ces enfants ne peut se résumer à quelques dortoirs surpeuplés derrière un portail fermé.

Il est urgent de replacer l’enfant au centre de toute démarche : en le ramenant à l’école, en soutenant sa famille et en restaurant sa dignité.