
Le 23 juillet dernier aura marqué une étape décisive dans la trajectoire politique du Burundi. En raflant sans partage les sièges lors des scrutins communaux, législatifs et sénatoriaux, le CNDD-FDD s’impose désormais comme l’unique force politique d’un paysage qu’on peine encore à qualifier de multipartite.
Les urnes, loin de consacrer l’alternance, viennent sceller un processus entamé depuis plusieurs années : l’effacement progressif de toute opposition structurée et audible.
L’observateur attentif n’y verra point de surprise. Déjà, lors de la campagne, le ton était donné. Le chef du parti au pouvoir clamait ouvertement son désir de voir le Burundi gouverné par un seul parti, à l’image d’un modèle qu’il n’hésite pas à qualifier de « première démocratie au monde » : celui de la Chine.
Un exemple qu’il dit avoir eu le loisir d’étudier lors de ses multiples voyages officiels.
Désormais, cette « démocratie à la chinoise » sert de justification à l’uniformisation du débat politique.
Selon l’analyse de Abbas Mbazumutima du journal Iwacu-Burundi, cette victoire écrasante ne relève pas seulement d’un rapport de force électoral, mais bien d’un projet politique assumé : instaurer un monopartisme de fait, en attendant peut-être qu’il devienne de droit.
Car pour officialiser ce retour à un parti unique, il ne manquerait guère qu’un décret.
Les étapes à franchir sont limpides : un amendement constitutionnel, quelques révisions de lois organiques, un passage devant deux chambres du Parlement déjà acquises corps et âme au CNDD-FDD.
Formalités administratives qui paraissent désormais bien accessoires tant le rouleau compresseur est lancé.
Le chef de l’Exécutif ne s’en cache plus. Répétant à l’envi que « la démocratie n’est pas le gouvernement des partis politiques, mais celui du peuple, par le peuple et pour le peuple », il laisse entendre que le pluralisme n’est qu’un ornement dispensable.
À l’en croire, point besoin d’opposition pour incarner la volonté populaire.
L’histoire récente du Burundi rend pourtant ce retour en arrière d’autant plus amer.
Après des décennies de violences et de négociations laborieuses, la Constitution avait entériné le principe du pluralisme politique. Des générations s’étaient battues, parfois au prix de leur vie, pour qu’existe un Parlement où la diversité d’opinions serait un rempart contre les dérives autoritaires.
Ce rêve s’étiole. L’unanimisme devient la règle, le débat contradictoire, une anomalie.
Dans les commissions parlementaires, les oppositions autrefois bruyantes se taisent, remplacées par un chœur de voix à l’unisson.
Les précédents historiques sont éloquents.
En 1966, déjà, un arrêté royal faisait de l’Uprona le parti unique, au nom d’une démocratie qui se voulait « authentique ».
Le discours du CNDD-FDD, à quelques nuances près, sonne comme un écho à ce passé que l’on croyait révolu.
Certains diront que l’efficacité commande l’unité. Que le développement économique ne peut se concevoir dans le tumulte d’un Parlement frondeur.
Mais la question reste entière : à quel prix ? Et surtout, pour qui ?
Le Burundi s’apprête peut-être à tourner le dos à l’une de ses plus grandes conquêtes démocratiques. À défaut d’un sursaut, il ne restera bientôt plus que le nom pour rappeler qu’un jour, le pluralisme y avait droit de cité.