La réduction du Burundi à cinq provinces bouleverse bien plus que sa carte administrative. Derrière cette refonte, c’est tout un système administratif qui cherche ses marques, entre réorganisation confuse, transition laborieuse et adaptation des citoyens à une réalité nouvelle.

Au départ, beaucoup pensaient qu’il ne s’agirait que d’un simple changement de noms et de frontières.

Une affaire de géographie, en somme.

Mais rapidement, les Burundais ont compris que la réforme dépassait les cartes.

Elle a bouleversé les habitudes, redéfini les structures, et semé la confusion jusque dans les couloirs des ministères.

Un fonctionnaire raconte qu’au lendemain de l’annonce, personne ne savait plus à quel service il appartenait. Certains se sont retrouvés sans bureau, d’autres sans supérieur hiérarchique.

« On venait travailler le matin sans savoir si notre direction existait encore », confie-t-il.

Dans les communes, le désarroi est le même.

Des agents, affectés à de nouveaux postes, ont parfois dû transporter leur mobilier eux-mêmes, faute de logistique.

Un employé de la Mairie de Bujumbura, muté vers la commune de Mugere, a ainsi été invité à « ramener sa chaise et son bureau » avant qu’on ne lui montre où s’installer.

Il attend encore qu’on le rappelle.

Cette désorganisation a ralenti tout le service public.

Les administrations fonctionnent au ralenti, “en attendant les nouvelles nominations”. Personne ne veut trop s’engager de peur d’être déplacé du jour au lendemain.

Les affaires courantes s’expédient tant bien que mal, tandis que les grands dossiers restent suspendus.

La réforme a également mis à nu les limites d’un État encore en quête d’harmonisation numérique.

Sur le site officiel de la Police de l’air, des frontières et des étrangers, les demandes de passeport sont parfois bloquées, car les anciennes provinces n’existent plus dans les formulaires.

Une situation absurde où la technologie avance plus vite que la réforme, ou peut-être l’inverse.

Les cartes nationales d’identité, elles, sont devenues obsolètes.

Des millions de citoyens possèdent encore des documents mentionnant des provinces qui n’existent plus. Être “né à Kayanza” n’a désormais plus de signification administrative.

Une vaste opération de mise à jour s’impose, mais elle tarde à se concrétiser.

Sur le papier, la réforme se veut ambitieuse : donner plus de moyens aux provinces, favoriser une meilleure gestion locale.

Certains cadres suivent déjà des formations en finances publiques. Mais sur le terrain, le temps s’étire. Le premier trimestre budgétaire est passé sans qu’aucun projet majeur ne démarre, faute de structures stabilisées.

Ce passage de dix-huit à cinq provinces n’est donc pas qu’une affaire de chiffres.

C’est un bouleversement silencieux, une transformation profonde de l’État burundais.

Derrière la carte redessinée, il y a un pays qui cherche encore ses repères, une administration qui tâtonne, et une population qui s’adapte tant bien que mal à une réalité nouvelle.

Au fond, le Burundi ne change pas seulement de visage : il apprend, lentement, à se réinventer.