À Karusi, les membres de la communauté Batwa, notamment ceux de la colline Buhinyuza dans la commune Buhiga, expriment avec insistance leur désir d’accéder à des terres cultivables. Jadis reconnus pour leur savoir-faire en poterie, ils affirment aujourd’hui que cette activité traditionnelle ne leur permet plus de subvenir à leurs besoins.

La raréfaction de l’argile, matière première essentielle à leur artisanat, complique davantage leur quotidien. « Avant, on pouvait encore produire des pots pendant la saison des pluies, mais désormais on nous interdit d’extraire l’argile, même là où on avait l’habitude de la trouver », déplore Floride Niyonizigiye. Face à ces restrictions, certains sont contraints de se procurer illégalement cette ressource pour maintenir une activité devenue marginale.

Avec la modernisation des modes de vie, la demande en poterie traditionnelle chute considérablement. Les ustensiles modernes, plus durables, ont peu à peu remplacé les pots artisanaux. Daniel Banyankirubusa, un autre habitant, affirme que l’avenir de leur communauté ne peut plus reposer uniquement sur cette pratique ancestrale. « Ce métier perd de sa valeur, et nous ne pouvons plus compter sur lui pour faire vivre nos familles. »

Dans cette impasse, les Batwa souhaitent se tourner vers l’agriculture, mais se heurtent à un obstacle majeur : l’absence de terres. Pourtant, des engagements avaient été pris par les autorités. Le président de la République avait annoncé qu’un hectare de terre serait attribué à chaque ménage Batwa afin de favoriser leur développement agro-pastoral. Mais à ce jour, cette promesse reste lettre morte.

Selon Daniel Banyankirubusa, certaines familles vivent encore sur de petites parcelles distribuées sous le régime du président Bagaza, il y a plusieurs décennies. Aujourd’hui, ces espaces sont devenus insuffisants pour des familles qui se sont agrandies. « Nous sommes vingt-sept ménages sur une petite parcelle. Cela ne peut pas continuer ainsi », insiste-t-il.

Audace Bavakure, représentant provincial de l’association Uniproba, rappelle que des démarches avaient été entreprises pour identifier des terres, mais qu’aucune attribution concrète n’a suivi. Pire encore, certaines des terres visitées ont été récupérées pour la culture du café, sans considération pour les besoins des Batwa. Il estime que seule une politique agricole inclusive peut sortir cette population de la pauvreté.

Les Batwa de Karusi lancent un appel au gouvernement pour une mise en œuvre réelle des engagements pris. Ils ne demandent pas l’aumône, mais la possibilité de travailler et de vivre dignement, comme tout citoyen. « Nous voulons cultiver pour nourrir nos enfants et les envoyer à l’école », affirme Odette Nshemezimana.

Le ministère de la Solidarité nationale a reconnu que les terres ne sont pas encore disponibles, mais promet qu’elles seront distribuées en temps voulu. En attendant, les Batwa continuent de vivre dans l’incertitude, espérant que la terre promise ne restera pas un mirage.

 

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