Un rapport de l’Institut Africain pour la gouvernance énergétique (AFIEGO), publié en mai 2025 avec le soutien des Amis de la Terre, met en lumière une dimension encore trop ignorée des projets pétroliers de TotalEnergies en Ouganda : les conditions de travail.

Si les critiques visant le groupe français sur les conséquences environnementales et sociales de ses projets Tilenga et EACOP sont désormais connues — déplacements forcés, menaces sur la biodiversité, répression des opposants —, la voix des travailleurs, elle, avait jusqu’ici peu émergé.

Les témoignages recueillis révèlent pourtant une chaîne de sous-traitance où abus, insécurité et violations des droits fondamentaux sont monnaie courante.

Rogers Byaruhanga, 26 ans, recruté par CIVTEC Africa Limited, sous-traitant du groupe portugais Mota-Engil, raconte avoir eu le dos brisé lors d’un accident sur le chantier de Tilenga en 2022.

Depuis, il vit avec des séquelles lourdes, sans emploi ni aide financière.

« TotalEnergies a le devoir de veiller à ce que ses prestataires respectent les normes de sécurité », affirme-t-il, dénonçant l’abandon dont il s’estime victime.

Olive Nyakato, ancienne plombière sur un autre chantier lié au projet, témoigne quant à elle de harcèlement sexuel, de discriminations et d’un licenciement brutal avant la fin de son contrat.

« Se plaindre n’était jamais une option : cela ne faisait qu’empirer les choses », raconte-t-elle avec amertume.

Ces récits s’ajoutent à d’autres collectés par l’AFIEGO : licenciements abusifs, discriminations, conditions de travail dangereuses et absence totale de recours pour les salariés.

Pour Juliette Renaud, coordinatrice des Amis de la Terre France, « il est inacceptable que le droit du travail soit systématiquement bafoué par les sous-traitants et que les travailleurs soient ainsi exposés à tous ces dangers. Total ne fait rien car elle profite de ce système à bas coût ».

Or, les projets Tilenga et EACOP ont toujours été présentés par TotalEnergies et ses partenaires comme des leviers de développement, avec la promesse de milliers d’emplois pour les populations locales.

Mais derrière cette communication se dessine une autre réalité : celle d’une main-d’œuvre instrumentalisée, précarisée et rendue invisible.

« Ces travailleurs sont utilisés pour susciter du soutien au projet alors qu’ils subissent des violations que personne ne devrait endurer », souligne Diana Nabirume de l’AFIEGO.

La question qui se pose est celle du devoir de vigilance.

Si TotalEnergies met en avant ses standards de responsabilité sociale et environnementale, le fonctionnement concret de la sous-traitance démontre l’écart entre discours et pratiques.

Les révélations d’AFIEGO s’ajoutent à une série déjà longue d’études et de rapports pointant les dérives liées aux grands projets pétroliers du groupe en Afrique de l’Est.

Elles montrent que les atteintes aux droits humains ne concernent pas uniquement les communautés déplacées ou l’environnement, mais touchent aussi le cœur même des chantiers.