L’air du soir vibrait d’attente à l’Alliance Française de Nairobi. Dans le hall, les conversations se mêlaient aux pulsations des tambours que l’on testait encore en coulisses. Des éclats de rires, des pas pressés, des salutations chaleureuses : tout annonçait une soirée particulière.

Sur scène, le décor était réduit à l’essentiel. Mais dès que les projecteurs ont illuminé l’espace, l’atmosphère s’est tendue, comme chargée de promesses.

La directrice de l’Alliance, Olivia Deroint, a pris la parole pour accueillir le public.

Puis le silence s’est fait, juste avant l’entrée des artistes burundais de l’Iwacu Dance Company.

Le début fut presque immobile : des corps figés, des visages sérieux, une respiration contenue. Puis un geste, un sourire, un bras levé ont brisé l’attente.

Peu à peu, la danse a pris vie, puissante et précise, portée par une musique qui battait comme un cœur.

Très vite, la salle entière s’est laissée happer par une fresque chorégraphique qui dépassait le simple divertissement.

Audreille Sibomana, Ndayishimiye Paulin et Ntsinzi Joyeux portaient à trois la mémoire et l’énergie d’un peuple. À travers leurs gestes, se lisaient l’amitié, l’exil, la nostalgie des terres quittées et l’espérance obstinée de retrouver un chez-soi.

Chaque mouvement devenait un poème de migration, chaque rythme une prière à la résilience.

Dans la salle, certains tapaient des mains, d’autres oscillaient doucement comme happés par le souffle de la danse.

Des regards brillants trahissaient l’émotion, et quelques visages s’illuminaient de souvenirs, réels ou rêvés, de danses qu’on croyait perdues.

« Par ici la vie » : tel est le sens du titre du spectacle. Et jamais une traduction n’avait semblé aussi juste.

Car il ne s’agissait pas simplement d’un divertissement, mais bien d’une célébration des racines, de l’identité et de la force de la communauté.

Quand les dernières notes se sont éteintes et que les lumières se sont adoucies, l’auditorium a explosé en applaudissements prolongés, comme pour retenir encore un instant cette énergie collective.

La soirée avait d’ailleurs commencé avec les conteurs kenyans de Zamaleo Sigana, qui, tambours et voix en main, avaient entraîné le public dans les récits de réfugiés venus de toute l’Afrique de l’Est et du Centre.

Un prélude chargé de courage, de douleur mais aussi d’humour, qui avait préparé le terrain à l’intensité de la danse burundaise.

En tournée de Lubumbashi à Kampala, en passant par Dar es Salaam et Mombasa, l’Iwacu Dance Company poursuit son chemin, soutenue par l’Institut français et ses partenaires culturels.

Sous la direction chorégraphique d’Audreille Sibomana, ces artistes continuent de tisser un fil invisible entre les peuples, rappelant que la danse est bien plus qu’un art : elle est un langage universel de résistance et de fraternité.

Ce soir-là à Nairobi, ce langage a trouvé son écho. Et ceux qui ont quitté l’Alliance Française sont repartis avec autre chose qu’un souvenir : la sensation d’avoir voyagé au cœur même de l’Afrique de l’Est, dans ce territoire intime où l’identité rencontre l’espérance.

Le même spectacle sera présenté au Rwanda le 30 septembre, avec les mêmes artistes burundais de l’Iwacu Dance Company, offrant ainsi une nouvelle occasion de découvrir cette énergie et cette poésie sur scène.