À l’heure où la planète s’interroge sur son avenir, le Burundi avance sur une ligne de crête : un pays minuscule par la taille, mais immense par ses ambitions climatiques. À Dubaï, lors de la COP28, son président avait dressé une image saisissante : celle d’un territoire verdoyant, traversé de rivières et de lacs, mais déjà meurtri par les caprices d’un climat qui change trop vite. Le message était clair : « Nous ne resterons pas les bras croisés. »

Cette détermination se retrouve dans les textes fondateurs du pays, comme la vision 2040–2060 qui inscrit noir sur blanc la protection de l’environnement, la sécurité alimentaire et la résilience.

Mais au-delà des discours, ce sont les innovations locales et les initiatives citoyennes qui dessinent, pas à pas, un autre visage du Burundi.

Dans ses collines densément peuplées, où chaque parcelle de terre compte, l’agroforesterie s’impose peu à peu comme une évidence.

La professeure Bernadette Habonimana, pionnière du domaine, en parle avec passion : « Associer arbres et cultures, c’est réconcilier la nature avec nos besoins. C’est planter de l’avenir dans nos champs. »

Derrière ces mots, une conviction : seule une agriculture qui intègre l’arbre pourra freiner la déforestation et offrir une réponse durable aux défis climatiques.

Le gouvernement a lui aussi inscrit cette pratique dans sa Politique forestière nationale.

En août dernier, un atelier de concertation a permis de tracer une nouvelle feuille de route, avec l’appui d’institutions partenaires comme l’IFDC ou l’Ambassade des Pays-Bas.

Pour beaucoup, ce dialogue est un signe encourageant : l’avenir ne se décidera pas dans les couloirs de ministères, mais avec ceux qui vivent la terre au quotidien.

Le Burundi ne manque pas d’initiatives visibles. Les sachets plastiques, par exemple, sont en voie de disparition sur le marché. Une avancée qui témoigne de la volonté d’ancrer des habitudes Nouvelles.

Dans certains foyers, des cuisinières améliorées réduisent la consommation de bois, tandis que le biogaz et le solaire s’invitent, timidement, dans les villages.

Et en 2024, la Première dame a lancé un mouvement « zéro déchet », mobilisant écoles, associations et familles autour d’un geste simple : redonner à la propreté une dimension collective.

Mais c’est peut-être le projet « Ewe Burundi Urambaye », lancé en 2018, qui illustre le mieux l’enthousiasme et les limites du pays face au défi climatique.

La promesse était belle : repeupler les collines d’arbres, rendre au pays ses couleurs d’antan. Plus de 45 millions de plants furent mis en terre en une seule saison.

Mais la réalité, souvent, rattrape les rêves : beaucoup de jeunes arbres n’ont pas survécu, faute de suivi et d’entretien.

« L’année suivante, on reboise le même endroit », a reconnu le président lui-même.

Cette lucidité n’efface pas les progrès, mais elle rappelle une vérité : le climat ne se gagne pas dans les cérémonies de plantation, mais dans le soin patient apporté chaque jour aux arbres et aux sols.

L’ancienne ministre de l’Agriculture, Odette Kayitesi, le résume d’une phrase : « Planter, c’est facile. Suivre et évaluer, c’est ce qui fait la différence. »

Dans ce combat, le Burundi n’est pas un spectateur, mais un acteur qui expérimente, trébuche parfois, mais persévère.

Les collines portent les cicatrices de la déforestation, certes, mais aussi les promesses de reboisements récents.

Les coopératives inventent de nouvelles pratiques, certaines familles investissent dans des alternatives au bois, et les jeunes, de plus en plus, se saisissent des questions environnementales comme d’un enjeu de dignité nationale.

La route est encore longue, semée d’embûches, de projets inachevés et de financements mal utilisés.

Mais il serait injuste de réduire le Burundi à ses échecs.

Car derrière les chiffres et les rapports, il y a une volonté qui grandit : celle d’un peuple qui refuse de laisser son avenir s’assécher.

Le climat, ici, n’est plus une abstraction lointaine. C’est une bataille quotidienne, menée avec foi, avec inventivité, et surtout avec l’espoir de transmettre aux générations futures des collines qui verdissent réellement, et pas seulement dans les documents officiels.