Le Burundi entame un nouvel exercice budgétaire marqué par un accroissement significatif des dépenses publiques, au prix d’un effort fiscal accru pour des ménages déjà fragilisés par une inflation galopante.

Promulgué le 24 juin dernier par le président Ndayishimiye, le budget général pour 2025-2026 atteint désormais 5 258,6 milliards de francs burundais, soit une hausse de 10 % par rapport à l’année précédente.

Mais derrière ces chiffres, c’est tout un peuple qui redoute de porter seul le poids d’un financement encore incertain.

Le gouvernement prévoit de couvrir ce budget par des recettes estimées à 4 821,82 milliards BIF, dont plus de la moitié proviendra de l’impôt et des taxes.

Le déficit, évalué à 436,8 milliards, sera comblé par des emprunts intérieurs et extérieurs, une solution qui suscite déjà de vives inquiétudes sur sa soutenabilité.

Dans un contexte d’inflation avoisinant les 45 %, la loi de finances entend mobiliser davantage de ressources, notamment en élargissant l’assiette fiscale.

Les contribuables burundais devront ainsi composer avec de nouvelles taxes et redevances : la taxe sur l’exploitation minière bondit de 7 % à 16 %, une redevance informatique de 0,25 % frappe désormais chaque déclaration douanière, tandis qu’une surtaxe de 15 % est imposée sur le fer à béton importé.

Le passeport, quant à lui, coûtera désormais 300 000 BIF, contre 235 000 auparavant.

Ces mesures ont été justifiées par le ministre des Finances, Nestor Ntahontuye, comme une étape nécessaire pour renforcer la collecte des ressources propres et limiter la dépendance extérieure.

Pour les défenseurs de ces réformes, elles traduisent la volonté d’investir dans des secteurs jugés prioritaires, notamment l’éducation, la santé et les infrastructures.

Nombre d’observateurs estiment cependant que l’équilibre entre ambition et réalisme demeure incertain, selon le journal Iwacu-Burundi.

Jean Ndenzako, économiste et professeur, y voit un budget « à la fois expansionniste et austère ».

Il pointe du doigt une dette publique qui frôle 70 % du PIB et absorbe une part croissante des ressources internes.

Selon lui, plus de la moitié du budget reste consacrée aux dépenses courantes, notamment les salaires et le service de la dette, au détriment de l’investissement productif.

Le professeur souligne par ailleurs que les hausses de taxes et de tarifs frapperont un tissu social déjà fragilisé : « La hausse du coût des documents de voyage, combinée aux nouvelles redevances, risque de restreindre la mobilité régionale et d’alourdir la vie quotidienne des ménages.

Quant au secteur minier, la hausse brutale de la redevance pourrait pousser les petits exploitants vers l’informel, sapant ainsi l’objectif de contrôle et de mobilisation de recettes. »

Les critiques ne se limitent pas à l’impact social. Jean Claude Nzigamasabo, expert en fiscalité, rappelle que l’augmentation des impôts n’est pas une panacée.

À ses yeux, l’État devrait avant tout s’astreindre à une plus grande discipline budgétaire en réduisant ses dépenses superflues.

Il s’inquiète également du recours répété aux emprunts intérieurs, qui, selon lui, étouffe l’initiative privée et freine l’investissement local.

Une autre source de questionnement concerne les écarts constatés entre les budgets votés par le Parlement et les chiffres finalement promulgués.

Pour la deuxième année consécutive, une différence de plus de 30 milliards BIF s’est glissée entre le texte adopté et la version signée par le chef de l’État, alimentant les soupçons sur la transparence du processus budgétaire.

Dans les détails, certaines institutions voient leurs moyens exploser : la Présidence double presque son enveloppe, atteignant 121,7 milliards BIF.

Les ministères de la Santé, de la Défense et de l’Éducation enregistrent eux aussi des hausses notables.

De quoi entretenir le débat sur la répartition des ressources, alors même que la Cour des comptes pointe régulièrement du doigt le faible taux d’exécution de certains projets.

Pour 2024-2025, près de 400 milliards BIF n’ont pas été décaissés, faute de travaux réalisés.

Malgré tout, le gouvernement table sur une croissance de 4,6 %, portée par quelques projets structurants, dont la construction du tronçon ferroviaire Malagarazi-Musongati.

Mais là encore, beaucoup craignent que ces ambitions ne se heurtent aux carences de gestion et à la lenteur de décaissement qui minent la confiance des bailleurs.

Les deux experts s’accordent au moins sur un point : sans une meilleure gouvernance, la politique budgétaire risque de rater ses objectifs.

Transparence, efficacité dans l’exécution des dépenses et lutte contre la corruption sont autant de conditions jugées essentielles pour que les nouvelles taxes ne deviennent pas un simple fardeau de plus sur des épaules déjà éprouvées.