
La nuit tombe sur les collines burundaises. Les maisons tremblent sous la pluie, les ruisseaux gonflent et emportent tout sur leur passage. Dans le silence humide des abris improvisés, certaines femmes mesurent le vrai prix des catastrophes : non pas les toits envolés ou les champs noyés, mais la promiscuité, la peur et l’humiliation quotidienne.
Ces femmes ne sont pas seules dans cette épreuve. En 2024, près de 80 000 Burundais ont été forcés de fuir leurs foyers à cause des inondations et des glissements de terrain.
Plus de la moitié étaient des femmes et des enfants, et ce chiffre ne reflète qu’une partie des conséquences invisibles, celles qui ne se lisent pas dans les rapports officiels : la santé menacée, la dignité bafouée, la sécurité compromise.
Dans les tentes dressées à la hâte, leur quotidien devient un combat silencieux.
Comment se changer ou gérer ses menstruations quand il n’y a ni eau propre, ni espace intime, ni lumière pour se protéger des regards et des dangers de la nuit ?
Dans ces abris saturés, chaque geste intime devient une épreuve, chaque obscurité une menace.
Le climat ne détruit pas que des murs. Il entame aussi la dignité.
Sans serviettes hygiéniques, certaines femmes improvisent avec des morceaux de tissu, au risque d’infections.
Sans sanitaires adaptés, elles affrontent l’humiliation quotidienne.
Et pendant que leur santé chancelle, elles continuent de porter les enfants, de soigner les aînés, de nourrir la famille – comme si la catastrophe ne leur avait pas arraché leurs propres forces.
On parle d’« abris », mais peut-on vraiment parler d’abris sûrs quand l’intimité est absente, quand la sécurité est précaire, quand les besoins des femmes sont relégués au second plan ?
Un refuge digne devrait offrir de la lumière, de l’eau, des sanitaires séparés, des kits d’hygiène adaptés, une sécurité pensée pour elles.
Or, trop souvent, ce qui est construit ne protège qu’à moitié.
Et pourtant, les femmes ne sont pas seulement victimes. Leur quotidien les place au centre des enjeux environnementaux.
Ce sont elles qui, après usage, se retrouvent à gérer serviettes hygiéniques et couches pour bébés – des déchets plastiques qui mettront des siècles à disparaître.
Elles subissent la crise, mais elles participent aussi malgré elles à la perpétuer.
Voilà pourquoi leur voix compte, et devrait peser davantage dans les choix liés à la prévention et à la protection de l’environnement.
Protéger la nature au Burundi, ce n’est pas seulement planter des arbres ou interdire les sachets. C’est aussi permettre aux femmes de traverser les tempêtes climatiques sans perdre leur santé, leur sécurité, ni leur dignité.
Tant qu’elles resteront en marge des décisions, elles continueront de payer le prix invisible du climat : celui que l’on ne voit pas dans les rapports officiels, mais qui se vit chaque jour, dans le silence des tentes et le courage des gestes quotidiens.