Dans la plaine de l’Imbo, le coton ne fait plus rêver. Jadis symbole d’une prospérité rurale et d’un savoir-faire agricole reconnu, il devient aujourd’hui synonyme de désillusion et de précarité.

Depuis la relance de la campagne d’achat par la Compagnie de gérance du coton (Cogerco) le 22 septembre dernier, les producteurs oscillent entre espoir et inquiétude, prisonniers d’un système qu’ils jugent opaque et injuste.

Sur les collines de Kagazi et Rukana, la même colère sourd.

Les paysans ne savent toujours pas à quel prix sera acheté leur coton ni quand ils seront payés.

Cette incertitude pèse lourdement sur des familles déjà fragilisées par les pertes subies pendant la saison pluvieuse : récoltes abîmées, balles brûlées, greniers infestés de rats.

Pour beaucoup, la vente du coton devait permettre de payer les frais de scolarité des enfants ou d’acheter le matériel scolaire.

Faute de paiement, certains ont dû contracter des emprunts qu’ils ne peuvent plus rembourser.

D’autres font face à des poursuites judiciaires, conséquence directe d’un mécanisme de production devenu, selon eux, un piège.

La défiance est d’autant plus forte que les paysans gardent en mémoire les promesses non tenues de la précédente campagne.

Plusieurs affirment n’avoir jamais reçu le moindre franc après la vente de leur récolte l’an dernier.

Pour eux, la Cogerco, entreprise publique censée encadrer et rémunérer la filière, est en perte de crédibilité.

La culture du coton, autrefois source de revenus et d’orgueil, se transforme en fardeau économique.

Certains envisagent même d’abandonner définitivement cette production jugée « à perte ».

Face à la montée des tensions, la direction régionale de la Cogerco tente de calmer le jeu.

Ir Mathieu Butahana, responsable de la société pour la plaine de l’Imbo, assure que les fonds nécessaires au paiement sont disponibles et que le retard provient simplement de l’attente du prix officiel fixé par le gouvernement.

« Les producteurs ne doivent pas craindre de perdre leur coton. L’argent est là. Personne ne sera oublié », promet-il, tout en annonçant la distribution prochaine de semences améliorées pour relancer la saison à venir.

Mais ces assurances peinent à convaincre.

Dans les campagnes, la parole publique n’a plus le poids qu’elle avait autrefois.

Trop de promesses ont été faites, trop peu tenues.

Les producteurs redoutent que le manque de transparence et la lenteur administrative ne précipitent le déclin d’une filière déjà moribonde.

Sans réforme profonde ni rétablissement de la confiance, le coton burundais, jadis pilier de l’économie nationale, risque de disparaître dans l’indifférence générale — emportant avec lui une part du tissu social et économique des campagnes de l’Ouest.