
Il est des pays qui marchent assis sur leurs propres trésors. Le Burundi, lui, semble presque trébucher dessus. Tandis que le pouvoir célèbre l’exportation de minerais comme une victoire économique, un doute persiste : comment un sol réputé généreux peut-il produire si peu de richesse nationale ?
Derrière l’euphorie officielle, l’exploitation minière dévoile un paysage fissuré par l’opacité, les trafics et une gouvernance qui peine encore à transformer le potentiel en réalité.
Sous nos pieds, la terre burundaise murmure depuis longtemps des promesses de richesse.
Pourtant, ces murmures semblent se perdre dans le vacarme de l’improvisation politique, des illusions budgétaires et d’une gouvernance minière encore hésitante.
La récente campagne d’exportation lancée par le président Ndayishimiye a certes réveillé l’enthousiasme de nombreux citoyens, ravis d’entrevoir une source potentielle de devises dans un pays où carburant, médicaments et biens essentiels se font parfois rares.
Mais l’optimisme ne suffit pas à masquer les contradictions qui gangrènent ce secteur stratégique.
Le rappel fait par Gabriel Rufyiri, président de l’Olucome, a eu l’effet d’un seau d’eau froide.
Comment comprendre que les prévisions budgétaires annoncent vingt-six milliards de francs burundais issus des minerais, quand la contribution réelle au budget national est… nulle ?
Comment espérer plus de sept milliards de recettes alors que les minerais continuent de quitter le pays par des circuits qui échappent visiblement au contrôle de l’État ?
Le limogeage récent d’un administrateur accusé de complaisance envers l’exploitation illégale illustre une vérité dérangeante : la richesse du sous-sol burundais attire non seulement les convoitises, mais aussi les tricheurs.
Ces paradoxes ne datent pas d’hier.
Déjà sous la colonisation belge, explique l’historien Joseph Gahama, l’exploitation minière figurait parmi les grands employeurs du pays, malgré les affirmations officielles d’un sous-sol prétendument pauvre.
Autrement dit, le mythe d’une terre sans valeur servait surtout ceux qui savaient exploiter le silence et l’ignorance des autres.
Un mythe auquel certains Burundais continuent d’ajouter leur chapitre, parfois malgré eux.
L’anecdote de cet entrepreneur de Kayanza, devenu riche en vendant discrètement des minerais que ses voisins prenaient pour du simple sable, révèle moins la ruse d’un homme que l’aveuglement collectif face à la valeur réelle de notre sol.
Butihinda reste l’exemple le plus éclatant — et le plus amer.
Dans cette région de Muyinga, l’or affleurait presque comme une bénédiction.
La prospérité y avait poussé si vite que certains achetaient une voiture sur un coup de cœur, sans discuter le prix. Puis l’État a repris la main, confiant les gisements à des sociétés approuvées.
Depuis, silence radio. Comme si l’or, lui aussi, avait pris peur.
Il serait trop simple d’accuser seulement les réseaux illégaux ou l’appétit des spéculateurs.
La responsabilité première demeure politique.
Peut-on bâtir une économie minière solide sans une cartographie actualisée et transparente des ressources ?
Sans un cadre clair, respecté et appliqué, qui protège l’intérêt public avant celui des acteurs privés ?
Sans une volonté de creuser la vérité avec autant d’ardeur que l’on prétend creuser la terre ?
Le Burundi dispose peut-être d’un trésor. Mais tant que les autorités se contenteront d’annoncer des milliards théoriques tout en fermant les yeux sur des pratiques opaques, notre fortune restera un mirage.
Le jour où l’on affrontera enfin la vérité du secteur minier — ses failles, ses abus, ses non-dits — sera peut-être celui où nos richesses sortiront réellement de terre.
Only then, le pays pourra espérer transformer ses promesses géologiques en prospérité tangible.
