
Lors d’une émission publique tenue à Muramvya vendredi 26 décembre, le président Ndayishimiye a dressé un portrait résolument optimiste de la situation du Burundi. Sécurité assurée, population nourrie, recettes fiscales en hausse et pays engagé sur la voie du développement : le chef de l’État a voulu se montrer rassurant et confiant.
Un discours volontariste qui, s’il met en lumière les efforts engagés, invite néanmoins à être confronté aux réalités vécues par la population.
Dans son intervention, le président a insisté sur le climat sécuritaire du pays, affirmant qu’il n’y a ni maisons qui brûlent ni troubles majeurs, et que les forces de sécurité veillent efficacement sur la population.
Si le Burundi ne connaît pas de conflit armé ouvert, le sentiment de sécurité reste toutefois inégal selon les régions et les contextes.
Une certaine prudence continue de marquer le quotidien, nourrie par des tensions politiques latentes et par un environnement régional parfois instable.
Loin de l’image d’un pays en sécurité, la réalité est marquée par des disparitions inexpliquées, des tueries ponctuelles et un climat de peur profondément enraciné.
Des témoignages et des rapports font régulièrement état de violences attribuées à des éléments des forces de défense et de sécurité ainsi qu’aux Imbonerakure, accusés d’intimidations, d’arrestations arbitraires et d’exactions qui traumatisent les populations.
À cela s’ajoute la crainte persistante liée à la cohabitation avec des groupes armés étrangers, notamment les FDLR, terroristes héritiers des responsables du génocide perpétré contre les Tutsis en 1994 dans le pays voisin, dont la présence supposée nourrit l’angoisse et la méfiance.
Le chef de l’État a également assuré que « les Burundais ont de quoi manger », mettant en avant les efforts consentis dans le secteur agricole, notamment les subventions pour les semences et les fertilisants.
Sur le terrain, cependant, de nombreux ménages font encore face à des récoltes insuffisantes, aux effets du changement climatique et à la hausse persistante des prix des denrées alimentaires.
Entre résilience et débrouillardise, l’accès régulier à une alimentation suffisante reste pour beaucoup un combat quotidien, particulièrement dans les zones touchées par la sécheresse ou les inondations.
Concernant l’économie, l’augmentation de 300 milliards de francs burundais des recettes fiscales a été présentée comme un signe tangible du dynamisme économique et du développement en cours.
Si cette progression témoigne d’une meilleure mobilisation des ressources internes, elle est perçue par la population comme une pression fiscale accrue, dans un contexte marqué par l’inflation, la cherté de la vie et des revenus modestes.
Les chiffres macroéconomiques, aussi encourageants soient-ils, peinent encore à se traduire par une amélioration visible du pouvoir d’achat et des conditions de vie.
Les prétendues avancées brandies par le chef de l’État relèvent davantage de l’incantation que du progrès réel.
L’électrification vantée se fracasse contre la réalité d’une REGIDESO chroniquement défaillante, incapable d’assurer un service continu, multipliant les pannes comme une triste routine nationale.
Le pays étouffe sous un manque cruel de devises, pendant que les pénuries de carburant paralysent l’économie et transforment chaque station-service en lieu de désespoir et de débrouille.
Le sucre, produit banal ailleurs, est devenu un objet de spéculation et de frustration, symbole d’un État dépassé par sa propre gestion.
En dehors des centres urbains, l’électricité reste une illusion et l’eau potable un mirage, condamnant des millions de Burundais à survivre dans des conditions indignes.
Quant à l’exploitation minière, érigée en trophée du développement, elle s’apparente pour beaucoup à un pillage organisé, opaque et excluant, dont les bénéfices se perdent dans des circuits obscurs tandis que les communautés locales n’en récoltent que poussière, pauvreté et amertume.
Le discours officiel promet le progrès, mais le quotidien expose un pays enlisé dans les pénuries, l’improvisation et l’échec des services publics.
Reconnaissant l’existence de défis tels que la pression démographique, les dysfonctionnements administratifs et les effets du changement climatique, le président Ndayishimiye a appelé les Burundais à la persévérance et à la confiance en l’avenir.
Un appel mobilisateur, qui contraste toutefois avec un quotidien souvent marqué par les difficultés, les incertitudes et les sacrifices.
