
Huit ans après l’engagement prononcé par Emmanuel Macron à Ouagadougou, le gouvernement français tente de passer à la vitesse supérieure dans la restitution des objets culturels issus de son passé colonial.
La ministre de la Culture Rachida Dati a présenté, mercredi 3o Juillet, en Conseil des ministres un projet de loi visant à faciliter le retour d’œuvres acquises de manière illégitime entre 1815 et 1972.
L’objectif affiché est de sortir de l’impasse juridique qui freine jusqu’ici ces restitutions, en permettant à l’État d’y procéder par décret, sans nécessiter un vote parlementaire à chaque fois.
La législation actuelle, contraignante, impose en effet une loi spécifique pour chaque restitution.
Ce cadre a largement ralenti les engagements pris par le président de la République en 2017, alors qu’il affirmait vouloir faire de ce dossier une priorité.
Depuis lors, seule une poignée d’objets a quitté les collections publiques françaises. À titre d’exemple, un tambour sacré saisi en 1916 en Côte d’Ivoire n’a été restitué qu’en 2024, illustrant la lenteur du processus.
Le texte présenté ne garantit cependant pas une restitution automatique.
Pour qu’un objet soit concerné, il devra d’abord faire l’objet d’une étude conjointe menée par un comité scientifique bilatéral chargé de prouver son acquisition illicite.
Ensuite, le Conseil d’État devra valider la décision.
Par ailleurs, seuls les objets destinés à être exposés publiquement pourront être restitués. Les objets militaires, les archives d’État ou encore ceux découverts lors de fouilles archéologiques restent exclus du dispositif.
Rachida Dati a salué ce projet de loi comme un acte fort, porteur de paix et de reconnaissance des mémoires blessées.
Elle affirme vouloir inscrire cette démarche dans une volonté de renouvellement des relations entre la France et les pays autrefois colonisés.
Le projet de loi sera soumis au vote du Sénat le 24 septembre.
Cependant, cette initiative ne fait pas l’unanimité. Plusieurs voix s’élèvent pour critiquer un processus encore trop encadré et potentiellement instrumentalisable.
Le sénateur Pierre Ouzoulias, membre de la commission de la culture, déplore une manœuvre précipitée, après des années d’inaction.
Il plaide pour la mise en place d’une autorité scientifique indépendante qui garantirait la rigueur des décisions, loin de toute récupération politique.
La France reste à ce jour en retrait par rapport à certains de ses voisins européens. L’Allemagne, notamment, a déjà procédé à la restitution de plus d’un millier de pièces.
À l’inverse, Paris peine à répondre aux nombreuses requêtes émanant de pays comme le Sénégal, l’Éthiopie, le Tchad ou l’Algérie, qui réclament depuis des années la restitution de milliers d’objets.